Le cancer de la politique française
Un édito de Dorian de Meeûs.

- Publié le 02-04-2025 à 00h00

Un jugement politique. Une bombe nucléaire. Un séisme démocratique. Face à la condamnation de Marine Le Pen, politiques et observateurs rivalisent de superlatifs. Au-delà du fracas des réactions, la politique française montre son pire visage : grotesque, déroutant, et terriblement inquiétant.
Grotesque, parce que la condamnée se drape des oripeaux de la victime. Marine Le Pen a détourné 4,1 millions d'euros d'argent public pour enrichir ses proches. Avec l'argent des contribuables, elle a payé un majordome à son père et offert de confortables salaires à son compagnon, son chauffeur, sa sœur, sa demi-sœur… Tous ont bénéficié de ce système frauduleux, orchestré volontairement et en toute connaissance de cause par la juriste. Pourtant, au lieu d'assumer, Marine Le Pen crie au complot et au déni de démocratie. Ce déni justifie à lui seul une exécution immédiate de son inéligibilité.
Déroutant, parce qu'on banalise ici l'un des plus grands délits politiques de ces dernières années : un détournement de fonds publics en bande organisée. Et pourtant, la classe politique s'offusque de sa lourde peine, alors qu'elle a elle-même voté ces lois pour mettre un terme aux affaires d'emplois fictifs, ce cancer qui gangrène la République depuis des décennies. Jacques Chirac, Alain Juppé, Jean-Christophe Cambadélis, Henri Emmanuelli, François Fillon… Tous ont été condamnés pour des faits comparables. Marine Le Pen savait très bien ce qu'elle risquait, pour avoir elle-même défendu avec force la tolérance zéro et l'inéligibilité à vie pour un tel délit. La décision des trois juges, largement motivée, ne reflète que l'application de la loi. Si Jean-Luc Mélenchon s'en est indigné, ce n'est pas par charité, mais parce qu'il est lui-même dans le collimateur de la justice pour le détournement de 500 000 euros de fonds publics. L'homme voit son tour arriver.
Inquiétant, parce que la réaction de certains élus est une insulte à la démocratie, à la justice et à l'état de droit. Des voix de droite principalement, mais aussi du centre et de la gauche radicale refusent de voir l'évidence. Certains se rêvent au-dessus des lois, dénoncent un "gouvernement des juges". Quand les règles ne les arrangent plus, ils les contestent. Ce petit monde doit se ressaisir, car sa complaisance nourrit l'internationale populiste qui menace de tout engloutir.
Comme pour tout citoyen en infraction, la justice a parlé, et des recours existent. Mais la question demeure : la politique française est-elle encore capable d'entendre la vérité ?