La série "Adolescence" secoue les politiciens et la société britannique
La série diffusée sur Netflix a révélé à des millions de Britanniques les subtils dangers des réseaux sociaux. Politiciens et parents s'organisent pour contrer ces menaces.

- Publié le 29-03-2025 à 18h09

La culture influence parfois la politique et la société. "Adolescence", la série britannique diffusée sur Netflix, réalise l'exploit de toucher l'un et l'autre depuis le début de sa diffusion le 13 mars. Son épisode inaugural est devenu la première production d'une plateforme numérique à être le programme le plus visionné au Royaume-Uni : il a attiré 6,45 millions de téléspectateurs lors de la semaine du 10 au 16 mars et le deuxième épisode 5,9 millions. Les chiffres des semaines suivantes s'annoncent tout aussi extraordinaires tant la série a fait parler d'elle depuis.
Interpellations au Parlement
Premier coup d'éclat, elle s'est incrustée lors de la traditionnelle séance de questions au Premier ministre du 19 mars. Interrogé par une députée de son parti, le Premier ministre travailliste Keir Starmer a reconnu "regarder Adolescence avec nos enfants – j'ai un garçon de 16 ans et une fille de 14 ans". Il a estimé que "la violence exercée par de jeunes hommes, influencés par ce qu'ils voient en ligne, est un véritable problème […] de culture […] émergent et croissant" auquel doit s'attaquer "l'ensemble du Parlement". Même si "des équipes spécialisées sur le viol et les délits sexuels dans toutes les forces de police" ont été mises en place, "il est important que l'ensemble du Parlement" s'y "attaque".
L'usage du smartphone à l'école en ligne de mire
Deux jours après son intervention, le quotidien The Guardian a révélé que la ministre de l'Éducation, Bridget Philipson, lancera une supervision pointue de l'utilisation des téléphones portables à l'école. En février 2024, le précédent gouvernement conservateur avait en effet recommandé que "toutes les écoles interdisent l'utilisation des téléphones portables tout au long de la journée scolaire – non seulement pendant les cours, mais aussi pendant les pauses et les déjeuners". Il avait proposé quatre options aux écoles : "pas de téléphone portable dans l'enceinte de l'école", "téléphone portable remis à l'arrivée" des élèves dans l'école, "téléphones portables conservés dans un endroit sûr auquel l'élève n'a pas accès pendant la journée scolaire" et enfin "jamais utilisé, vu ou entendu", ce qui revient à accepter leur présence et à faire confiance aux élèves de ne pas les sortir de leur cartable. La ministre de l'époque avait indiqué que "le gouvernement envisagera de légiférer pour rendre ces orientations obligatoires" si les écoles ne les mettent pas en œuvre.
Écartés du pouvoir en juillet 2024, les conservateurs n'ont pas prolongé leur action sur le sujet. Selon The Guardian, Bridget Philipson s'est ainsi agacée qu'aucun processus de suivi de la recommandation officielle n'ait été lancé. Elle veut donc lancer la supervision d'un groupe d'écoles pour estimer combien d'établissements ont interdit les portables, comment ils appliquent les recommandations du ministère et l'impact de celles-ci sur le comportement des élèves.
Des débats au sein des familles
Nul doute que cette soudaine réaction politique intervient suite à la popularité de la série. Elle est en effet devenue l'un des principaux sujets de discussions des parents. Inquiets, voire terrorisés, certains d'entre eux ont monté des groupes de discussion sur les réseaux sociaux et sur Whatsapp à propos de la série et de ses révélations. Un document de 34 pages rédigé par le Digital Parent Club, une entreprise de conseils aux parents pour leur permettre d'appréhender les réseaux sociaux, circule même pour "Comprendre Adolescence" et l'environnement virtuel mais bien réel dans lequel vivent de nombreux enfants : les noms des principaux influenceurs masculinistes, leurs podcasts et leurs thèmes de prédilection, les émojis et les hashtags utilisés par les enfants et leur signification, et enfin quelques idées pour entamer la discussion avec leur progéniture.
Cette réaction a été confortée par l'appel d'un des deux réalisateurs de la série à une approche similaire à celle de la cigarette, c'est-à-dire d'une interdiction totale des smartphones aux moins de 16 ans ou des réseaux sociaux.
Aucun doute : avec la contre-révolution ultra-conservatrice menée par le président américain Donald J. Trump outre-Atlantique sur les relations hommes-femmes, le débat n'est pas près de s'arrêter.